La Commission AMO SMART prépare un livre blanc sur l’importance et le rôle de l’Assistance à Maîtrise d’Ouvrage (AMO) Smart dans l’intégration des technologies numériques dans la construction de bâtiments intelligents. Elle souligne ainsi la nécessité d’une approche intégrée et multidisciplinaire dès la conception du projet, pour assurer que les bâtiments offrent un éventail complet de services à leurs occupants sur le long terme. Entretien avec Jacques Guigui de la CBRE, à l’origine de ce livre blanc.
- Blog SBA : Pourriez-vous nous expliquer la vision qui a guidé la rédaction de ce livre blanc et quels objectifs spécifiques la SBA cherche-t-elle à atteindre à travers sa publication ?
Jacques Guigui : “La révolution numérique gagne le bâtiment et impacte les modèles de pilotage des projets immobiliers. Les incidences de cette envolée technologique élargissent le champ des compétences des acteurs du conseil. Un nouveau métier est né : AMO Smart. Avec ces 2 mots, tout est quasiment dit, car leur association a de nombreuses implications en ce qui concerne l’étendue des connaissances technologiques, mais aussi la connaissance du pilotage d’un projet.
La SBA reste toujours attachée à ses missions de pionnier dans le domaine des innovations technologiques, des référentiels tels que R2S et les formations qui permettent à tous de progresser et monter en compétences. Ce nouveau métier doit se faire connaître et reconnaître par tous les acteurs de la chaîne de valeur immobilière. Cette publication a pour premier objectif de répondre aux questions : C’est quoi un AMO Smart ? Pour qui ? Pourquoi ?
- Quels sont les principaux défis que le secteur des smart buildings doit relever aujourd’hui et comment ce livre blanc propose-t-il d’innover pour les surmonter ?
Les principaux défis sont multiples, c’est toujours le cas lorsque le numérique transforme une activité et le bâtiment n’échappe pas à ce constat. Tout d’abord, nous devons mettre en face d’un concept « smart building », un savoir-faire qui rendra le projet réalisable et économiquement rentable. La multitude des solutions, la vitesse croissante de leur évolution nécessite un regard averti qui croise la perception des besoins avec la veille technologique afin de trouver l’association qui fonctionne. Autre formulation possible : le numérique amène son lot d’opportunités par exemple avec des applications et services qui vont augmenter la productivité, réduire les besoins énergétiques. Mais le numérique amène aussi de nouveaux risques, par exemple la performance dans l’utilisation et la cybersécurité.
C’est pour cette raison qu’il n’y a pas un smart building, mais des smart buildings dont les aptitudes servicielles dépendent des objectifs du projet immobilier. L’AMO smart joue ici pleinement son rôle en identifiant les besoins et en imaginant les systèmes numériques capables de les fournir, tout en veillant au juste dimensionnement et aux besoins des futurs utilisateurs.
Ce livre blanc explique le positionnement de l’AMO smart et tente de démontrer que cette fonction sera très vite indispensable pour atteindre les objectifs avec un ROI raisonnable et un coût total de possession optimisé sur toute la durée d’utilisation des services numériques.
- Le livre blanc souligne l’importance croissante du numérique dans les bâtiments intelligents. Pouvez-vous expliquer comment l’intégration du numérique transforme les bâtiments et les villes, et quel rôle joue l’interopérabilité dans cette transformation ?
Le numérique s’impose simplement comme moyen d’atteindre des objectifs. Par exemple, la sobriété énergétique nécessite de disposer des données du bâtiment afin de tracer la bonne trajectoire et réaliser les actions correctives de façon dynamique. Le bien-être est lui aussi tributaire de nombreux paramètres qui vont le rendre réalisable dans le respect des autres engagements parfois contradictoires. Tous les domaines concernés ne peuvent plus créer leur propre base de données propriétaires et leur outil de traitement et de visualisation. L’interopérabilité devient nécessaire, car elle permet de standardiser la base de données en optimisant ainsi les outils de traitement. A l’échelle d’une ville, l’interopérabilité est la condition incontournable. Essayez de faire la moyenne de températures exprimées parfois en degrés Celsius ou Fahrenheit ! Les protocoles standards d’échange de données et les API (Application Program Interface) documentées prennent ici tout leur sens et rendent le projet réalisable.
- Le document met en l’interopérabilitéde l’AMO (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage) Smart. Pouvez-vous détailler comment un AMO Smart peut valoriser un projet immobilier et quels avantages spécifiques il apporte à la table ?
L’AMO Smart va jouer son rôle de facilitateur par ses fonctions transverses et permettre de faire dialoguer toutes les parties prenantes trop souvent isolées dans leur univers. Ses compétences pluridisciplinaires vont lui permettre de dialoguer d’égal à égal avec la DSI s’agissant de sujet touchant aux réseaux ou à la cybersécurité, mais aussi évoquer les sujets de GTB avec le FM afin d’atteindre les objectifs du décret tertiaire. Le numérique fait désormais partie de son champ de compétence aux termes de devoir d’alerte et de conseil au maitre d’ouvrage : une condition indispensable à la réussite du projet immobilier et à la satisfaction des utilisateurs. Cette position axée sur l’écoute et le dialogue va contribuer à initier un travail en mode projet et permettre d’imaginer des solutions communes pour un résultat conforme aux attentes de chacun.
- En considérant les évolutions rapides dans le domaine du smart building, comment voyez-vous l’évolution de ces technologies dans les 5 à 10 prochaines années et quel rôle la SBA souhaite-t-elle jouer dans cette évolution ?
Le rythme des évolutions technologiques rend délicat un pronostic sur 10 ans. Le bâtiment et la ville vont de plus en plus s’appuyer sur les technologies dont l’IA pour atteindre des objectifs de plus en plus ambitieux. Ce qui est certain c’est que la SBA continuera de jouer son rôle en animant des commissions sur ces sujets et ainsi permettre aux nouvelles idées d’émerger. Les livres blancs et les supports de formation SBA Academy sont une illustration de ce travail collaboratif très enrichissant. Je me suis lancé dans cette aventure et j’ai beaucoup appris en échangeant avec des acteurs d’une grande diversité, mais ayant tous la même curiosité et volonté naturelle de partage.
- Dans un marché immobilier de plus en plus compétitif, comment l’approche AMO Smart se distingue-t-elle pour offrir un avantage concurrentiel significatif aux projets ? Pouvez-vous illustrer cet avantage avec des exemples concrets ou des résultats obtenus ?
Je vais vous faire une confidence, convaincre un maître d’ouvrage qu’il doit s’attacher les services d’un AMO Smart n’est pas toujours simple et doit s’appuyer sur des arguments solides.
Je parle de désormais ROI étendu, car trop souvent la mission est considérée comme un surcoût par rapport à une démarche classique. Ce ROI étendu prend en compte la période d’exploitation qui est bien plus importante que la phase de construction ou de rénovation.
À titre d’exemples concrets, la mise en place d’une solution de cybersécurité du bâtiment qui est auditée par les équipes de la DSI permet de réduire considérablement les risques et par voie de conséquence les pertes de productivité en cas d’attaque malveillante.
La mise en place de nouveaux capteurs de l’IoT (Internet des Objets) sur une GTB existante simplement en réalisant des développements de logiciels permet d’une part de disposer de données nouvelles, mais aussi de réduire l’empreinte carbone du projet par le réemploi du système en place.
Dans ces 2 exemples, c’est le positionnement transverse de l’AMO smart qui fait le job en rendant possible ce qui semblait compliqué bien souvent par manque de communication.
J’aime parler du triple A pour illustrer le gain apporté par nos missions : Ambition tout d’abord, car il est toujours plus facile de faire comme d’habitude, Anticipation ensuite, car le projet sera plus simple si la démarche débute tôt et enfin Accompagnement ou AMO Smart !”