Face aux besoins croissants de confort, de sécurité, de lien social et de suivi de santé d’une population vieillissante en France, de nombreuses entreprises redoublent d’efforts et d’innovations pour apporter des réponses, souvent numériques. Néanmoins, ces solutions ont encore du mal à se déployer auprès des seniors. Après avoir dressé un état des lieux dans un précédent article, Philippe Metzenthin, pilote de la Commission Autonomie consacrée au maintien à domicile, explique comment la SBA accompagne les personnes âgées et les aidants pour qu’ils mesurent les bénéfices des technologies pour leur autonomie.   

Quel rôle peut jouer la SBA dans l’écosystème de la Silver Économie ?

Philippe Metzenthin – À l’évidence, le vieillissement de la société induit un besoin urgent de solutions d’aide au maintien à domicile et à la conservation d’autonomie. Mais malgré la volonté du gouvernement, les réflexions des constructeurs, la multiplicité des solutions et le foisonnement des start-ups, le secteur de la Silver Economie n’explose pas. Pourquoi ? Avant tout parce qu’il n’existe pas de modèle économique pour accompagner cette évolution. Les soins pour les personnes âgées sont remboursés par la sécurité sociale, l’hospitalisation est prise en charge par la collectivité, mais cela ne s’applique quasiment pas aux solutions numériques. Si une personne âgée a besoin d’une tablette numérique pour être reliée avec un aidant, le personnel soignant ou ses proches, l’investissement viendra de sa poche. Sans compter que la faible capacité financière des personnes âgées ne facilite pas le déploiement de ce type de solutions.

C’est là que la SBA peut jouer un rôle. Pas sur le coût du matériel, évidemment, mais sur ceux de l’installation et de l’exploitation des solutions. Si les logements en effet étaient conçus pour être connectés et communicants, le déploiement de solutions de confort, de lien social, de sécurité serait facilité. Et si le bâtiment tout entier disposait d’une infrastructure numérique, connectée au quartier, aux commerces environnants et aux services de santé de proximité, les prix de l’accès aux services diminueraient et pourraient être plus aisément pris en charge. De son côté, la collectivité pourrait proposer plus de services numériques liés aux activités et d’animation, d’accès aux transports publics… Certains signaux faibles délivrés par le bâtiment pourraient contribuer à la surveillance des seniors en constatant par exemple en temps réel une baisse brutale ou progressive des consommations d’eau, signe probable que la personne âgée cuisine moins, fait moins de lessives et de toilettes.

Précisément, le label R2S prépare les bâtiments pour qu’ils soient prêts à accueillir les services dédiés au maintien à domicile et à la perte d’autonomie. Le digital n’est certes pas une solution universelle et ne se substituera pas à l’accompagnement humain, mais pourra le soutenir et le compléter. R2S s’intégrera ainsi dans l’écosystème de la Silver Economie. La standardisation des infrastructures et l’interopérabilité des technologies prônées par la SBA permettront de faire baisser les coûts, pour que les outils digitaux deviennent accessibles à toutes les personnes âgées, même les moins aisées.

La SBA travaille déjà sur ces sujets, grâce au travail mené par deux commissions : la Commission Smart Hospital qui étudie la mise en place de bâtiments d’accueils spécialisés, et la Commission Autonomie consacrée au maintien à domicile, et que je pilote. En 2020, nous allons accélérer nos travaux et nous organiser par segments (aménagements du domicile, accompagnement médical et médicosocial…) pour porter un regard plus transversal sur la problématique globale de la perte d’autonomie.

Mais il reste toutefois des craintes et des freins “humains” pour les personnes âgées et les personnels soignants, qui imaginent encore trop souvent que les nouvelles technologies sont plus complexes qu’utiles.

Comment la SBA peut permettre de répondre aux freins à l’adoption de ces nouvelles technologies ?

Aujourd’hui, les innovations digitales de la Silver Économie restent encore pour beaucoup à l’étape de l’expérimentation. Pour que les technologies se déploient à grande échelle au bénéfice des personnes âgées, la piste d’intermédiaires – des techno-médiateurs – émerge. Ceux-ci pourraient en effet expliquer clairement les atouts des outils numériques dédiés aux seniors et transmettre les messages auprès des personnels soignants. Cette techno-médiation a ainsi fait l’objet de discussions lors d’une table-ronde lors de la Convention Smart Home le 24 janvier 2020 à Obernai.

Pour Pierre Kammerer, Vice-Président de la Fondation AGES, les techno-médiateurs permettront de gagner la confiance des personnes âgées, des aidants et du personnel soignant, pour que le vieillissement se passe le mieux possible, face à l’allongement de la vie. Jean-Michel Hervouet, Responsable Silver Économie du groupe Hager, pense quant à lui que l’on a besoin de cette médiation pour porter la parole du digital et conduire à une meilleure acceptation des technologies auprès des populations.

Pour aller plus loin, je propose de mettre en place des opérations de formations croisées entre acteurs de la Silver Économie, ce que nous avons déjà organisé à plusieurs reprises. Nous avons réuni effectivement des ergothérapeutes et des domoticiens, à Lille et à l’Université de Créteil, pour qu’ils échangent sur leurs métiers respectifs. Ces événements découvertes ont très bien fonctionné et ont permis de poser un regard plus complémentaire sur les besoins des personnes âgées et sur les solutions. Poursuivons ces rapprochements, pour accroître la techno-médiation.

Quant à Pierre Tassetti, Directeur général adjoint du réseau associatif APA, il s’est directement adressé aux intégrateurs de solutions digitales pour les convaincre à rester patients. Pour lui, les professionnels au service des personnes âgées ne sont pas encore prêts mais la filière évolue vers plus de maturité. La preuve ? Quand une résidence Senior connectée propose des places, elle se remplit deux fois plus vite qu’un hébergement classique !

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