À l’heure de l’obligation d’installer un thermostat programmable d’ici 2025 dans les logements, il est temps de s’intéresser plus largement au déploiement du numérique dans le résidentiel collectif. Mais pourquoi n’est-il toujours pas d’actualité ? Alors que certains bailleurs sociaux, promoteurs ou syndics ont déjà compris l’intérêt de déployer une infrastructure numérique dans leur parc immobilier, d’autres demeurent sceptiques sur les apports du numérique en matière de services aux résidents, de maîtrise des charges ou de gestion patrimoniale. Zoom sur quelques idées reçues qui freinent encore sa massification, avec François-Xavier Jeuland, Vice-président Smart Home à la SBA.

 

Idée reçue n°1

« Je n’ai pas besoin de numérique pour faire des économies d’énergie dans mes bâtiments. Je préfère isoler les murs et changer les fenêtres. »

François-Xavier Jeuland – Sur le long terme, il est, en effet, essentiel de lutter contre les passoires thermiques en réalisant des rénovations lourdes. Néanmoins, ces travaux coûtent cher, de 30 000 à 35 000 euros en moyenne par appartement (Source : ANCOLS). Quand il s’agit de réhabiliter les centaines de logements d’un immeuble, l’investissement nécessite un budget très conséquent. Pour agir sur le court terme et faire des économies d’énergie rapidement, l’installation d’un thermostat intelligent, qui coûte une centaine d’euros, permet de réduire ses consommations d’énergie jusqu’à 15 % selon l’ADEME. Le plan de sobriété énergétique du gouvernement exige d’ailleurs d’équiper chaque appartement avec un thermostat programmable d’ici 2025, d’abord les neufs puis l’obligation sera étendue à tous les logements existants. Ainsi, en associant l’installation de systèmes de gestion active, comme les thermostats, et l’isolation des bâtiments, les copropriétaires réduiront leurs consommations d’énergie. Il ne s’agit pas d’opposer ces solutions à long et court termes : elles se complètent..

 

Idée reçue n°2 

« Ajouter des services numériques dans mon immeuble coûte cher et ne rapporte rien. »

F-X J. – La mise en œuvre d’un réseau numérique “intelligent” dans un bâtiment de logement collectif, pour la maîtrise des consommations énergétiques, mais aussi pour la sécurité des biens ou des personnes, le confort, ou pour faciliter le quotidien avec des volets connectés ou des commandes déportés par exemple, représente une part infime du budget total de construction ou de réhabilitation, d’autant qu’il est possible de le déployer sans fil ou en courant porteur (c’est-à-dire via le réseau électrique existant), ce qui évite d’engager de lourds travaux. 

En plus, le déploiement de ce réseau intelligent amène à repenser le modèle économique du bâtiment. L’apport de services dans un smart building ne s’envisage pas de la même manière que dans un immeuble d’habitation traditionnel. Le promoteur pourra en effet valoriser le prix au mètre carré de son immeuble avec les services qu’il fournira aux résidents : sécurité, maintenance, maintien à domicile… Non seulement son bâtiment sera plus attractif pour de futurs acquéreurs, mais en plus certains services peuvent être payés via un modèle de location longue durée et bénéficier des innovations par un remplacement régulier du matériel. Les coûts de la visiophonie par exemple peuvent ainsi être réglés par les charges des habitants et le promoteur n’a pas de budget supplémentaire à engager pour ce service.

Cette approche permet de financer des services majeurs, comme l’accès à Internet pour tous, la maîtrise des consommations énergétiques, les réseaux d’entraide et de partage entre voisins, la gestion contrôlée des accès, la protection des biens et des personnes, la santé, le maintien à domicile ou l’assistance aux personnes dépendantes.

 

Idée reçue n°3

« Entre les chaufferies, la sécurité incendie, le système de VMC, le contrôle d’accès… J’ai déjà du mal à gérer toutes ces informations. Je ne vois pas pourquoi j’irai installer d’autres “gadgets” numériques. »

F-X J. – Avant tout, le numérique est loin d’être un gadget ! Il a permis de transformer des pans entiers d’activités dans la santé, l’éducation, le commerce… mais aussi la gestion de l’énergie et l’immobilier. C’est un outil performant pour aider les locataires à réaliser d’importantes économies d’énergie et pour que les personnes âgées puissent demeurer sereinement dans leur domicile, plutôt qu’intégrer un EHPAD, qui coûte cher et où un tiers des seniors sont en détresse psychologique, selon une enquête du ministère de la Santé. 

Ensuite, le numérique présente justement l’avantage de faire converger l’ensemble des systèmes de régulation des chaufferies, d’alarme de sécurité incendie, de pilotage de la VMC, ou encore la vidéosurveillance et le contrôle d’accès. Il faut arrêter de juxtaposer toutes ces solutions. Prenons l’exemple d’un immeuble avec des services (connectivité, maintenance…) qui dépendent de réseaux différents. À raison d’un abonnement par réseau, cela peut non seulement coûter très cher mais, en plus, empêcher d’accéder facilement aux données. À l’inverse, la convergence des solutions sur une même plateforme permet d’organiser ces données, de les mutualiser, de les sécuriser et d’en extraire une certaine valeur d’usage.

 

Idée reçue n°4

« Avec le numérique, les occupants risquent de perdre le lien humain et de se faire pirater leurs données. »

F-X J. – Je suis convaincu au contraire que le numérique permet de renforcer les liens sociaux dans une résidence grâce à des services de conciergerie numérique, par exemple, en permettant aux habitants de communiquer entre eux à l’échelle de la résidence, d’un groupe d’immeubles ou du quartier, quand ils ont besoin d’une baby-sitter, d’un enseignant pour du soutien scolaire, ou quand ils veulent proposer leur talent de bricoleur. Ces liens n’existeraient pas autrement sans le numérique, ou seulement entre voisins proches.

Avec du bon sens et l’application de quelques bonnes pratiques en la matière, un usage raisonné du numérique est possible, réduisant les vecteurs de risques et les cybermenaces. Plus personne n’hésite à recourir aux services en ligne de sa banque, parce qu’aujourd’hui, les institutions financières ont su renforcer la sécurité. Même situation dans les nouvelles résidences : le réseau numérique “intelligent” répond aux exigences de protection des données, et il est sécurisé et isolé des boxes internet des habitants. Pour les résidences plus anciennes, il est tout à fait possible de réaliser une rénovation numérique et ainsi appliquer les bonnes pratiques de sécurité.

 

Idée reçue n°5

« Le numérique ne fonctionne pas toujours et il faut être ingénieur pour bien utiliser les services connectés d’un immeuble. »

F-X J. – Le numérique est déjà souvent utilisé pour la maintenance et l’exploitation des parties communes. Les techniciens sont rompus à la pratique et cela fonctionne parfaitement. Le bailleur a désormais la responsabilité d’accompagner la transformation numérique de ses logements sociaux, notamment pour permettre aux locataires de maîtriser leurs consommations, alors que les prix de l’énergie flambent. Il doit donc veiller à ce que l’usage du bâtiment soit simple et en phase avec les besoins réels des habitants. La mise en place de scénarios permet d’accéder à cette logique de simplicité. Le bailleur n’a même pas besoin d’expliquer le fonctionnement, tellement c’est intuitif. Lorsque le locataire quitte son appartement connecté par exemple, il appuiera sur un interrupteur pour à la fois éteindre l’éclairage, baisser le chauffage et descendre les volets. Un seul geste pour effectuer automatiquement un maximum d’économies d’énergie !

 

 

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