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SBA : Pouvez-vous nous expliquer ce qui motive cet intérêt croissant pour la construction hors-site ?

Pascal Chazal : La construction hors-site se développe rapidement parce que de nombreux acteurs de l’immobilier et de la construction rencontrent des difficultés majeures sur leurs chantiers. Ils cherchent à améliorer la qualité, à réduire les délais et, surtout, à maîtriser les coûts. D’ailleurs, et ce n’est pas un hasard, l’État pousse dans cette direction, car le hors-site a bien été identifié comme une voie majeure pour améliorer et décarboner le secteur de la construction.

SBA : Concrètement, en quoi consiste la construction hors-site ?

Pascal Chazal : La construction hors-site est une méthode innovante qui consiste à fabriquer tout ou une partie des éléments d’un bâtiment en usine avant de les assembler sur le chantier. Contrairement à la construction traditionnelle, où la majorité des travaux se font directement sur le site de construction, la construction hors-site déplace ces travaux dans un environnement contrôlé.

Concrètement, cela signifie que jusqu’à 80 % des éléments constructifs, comme les planchers, les murs, les façades, et même les équipements techniques, sont préfabriqués en usine. Ces composants sont ensuite transportés sur le site de construction pour être assemblés rapidement et efficacement. Cette méthode permet de réduire significativement les délais de construction, d’améliorer la qualité des bâtiments grâce à un meilleur contrôle en usine, et de diminuer les coûts en optimisant la productivité et en réalisant des économies d’échelle.

Les avantages de la construction hors-site sont nombreux. Elle permet de minimiser les perturbations sur le site de construction, de réduire les nuisances sonores et environnementales, et de garantir une meilleure qualité grâce à la standardisation et au contrôle rigoureux des processus en usine. De plus, elle offre une plus grande flexibilité architecturale et une capacité d’adaptation aux différents besoins des projets, qu’ils soient résidentiels, commerciaux ou institutionnels​.

SBA : La construction hors-site pourrait donc véritablement transformer nos méthodes de construction traditionnelles ?

Pascal Chazal : Absolument. Depuis un siècle, la construction repose majoritairement sur le béton, qui a un impact environnemental désastreux. Le dernier rapport de l’ONU indique que la construction représente 37% des émissions de GES, avec le béton à lui seul représentant 8%. La recommandation est de réduire de moitié l’usage du béton et de modifier nos processus de construction. Le Hors-site pourrait être la clé de cette transformation.

SBA : Quels sont les principaux défis auxquels fait face la construction traditionnelle aujourd’hui ?

Pascal Chazal : La construction traditionnelle est confrontée à plusieurs défis. Dans les années 80, un bâtiment était composé de 70% de gros œuvre et de 30% de lots techniques et architecturaux. Aujourd’hui, ces proportions se sont inversées, avec seulement 30% de gros œuvre. Cela signifie qu’il reste 70% d’éléments complexes à réaliser sur le chantier, ce qui implique une multitude d’intervenants. Cette complexité croissante, combinée à une pénurie de main-d’œuvre qualifiée et à des difficultés de recrutement, a conduit à une baisse de la productivité globale de nos activités.

SBA : Comment la construction hors-site peut-elle améliorer la productivité et la qualité des projets ?

Pascal Chazal : La construction hors-site propose d’améliorer la productivité en produisant plus en usine et moins sur le chantier. Un ouvrier en usine apporte quatre fois plus de valeur ajoutée qu’un ouvrier de chantier. En usine, il est possible de produire de manière véritablement efficace et d’intégrer des fonctions inhérentes à la démarche de Smart Building.

Grâce à cette approche, la numérisation joue un rôle crucial car le déploiement de technologies numériques dans les bâtiments est bien plus facile en usine où les conditions de travail sont contrôlées et les processus standardisés. Nous pouvons ainsi incorporer des systèmes intelligents dès la phase de conception et de fabrication. Par exemple, les capteurs, les systèmes de gestion de l’énergie, et autres technologies domotiques peuvent être intégrés directement dans les modules de construction. Cela facilite non seulement l’installation, mais assure aussi une meilleure compatibilité et optimisation des systèmes.

En parallèle, la numérisation du bâtiment, avec des outils comme le BIM (Building Information Modeling), simplifie les aspects de la construction hors-site. Le BIM permet une conception précise et une planification détaillée, ce qui réduit les erreurs et les retards. Les informations numériques détaillées sur chaque composant facilitent également l’assemblage sur le chantier et assurent une meilleure coordination entre les différents intervenants.

Ainsi, la combinaison de la construction hors-site et du numérique transforme non seulement la manière dont nous construisons, mais améliore également la qualité et l’efficacité des bâtiments tout en offrant une flexibilité accrue et des possibilités d’innovation infinies.

SBA : Vous mentionnez que le BIM (Building Information Modeling) n’a pas réussi à inverser la courbe de la productivité. Pourquoi est-ce le cas ?

Pascal Chazal : L’échec du BIM dans la construction repose sur deux raisons principales : nos organisations segmentées et notre habitude de réinventer l’eau chaude pour chaque projet. Malgré les efforts de nombreux acteurs, le BIM n’a pas apporté les avantages escomptés. Cependant, la construction Hors-site offre la possibilité de changer la donne. En produisant des éléments en usine, comme des façades, des salles de bains ou des modules de chambres, il devient possible de bénéficier pleinement des avantages du BIM.

SBA : Pouvez-vous nous parler de Zen Modular et de son approche innovante ?

Pascal Chazal : Zen Modular est une startup qui offre des chambres pour étudiants, seniors ou l’hôtellerie, conçues en DfMA (Design for Manufacture & Assembly) pour les meilleurs usages. Ces chambres offrent un rapport qualité-prix incomparable et permettent de diviser par deux le délai de chantier, de réduire de 50% l’impact carbone et d’améliorer le bilan financier de l’ensemble de la chaîne de valeur. Le tout dans une démarche de “Smart Buildings”, offrant une meilleure expérience utilisateur et une exploitation facilitée pour le gestionnaire.

SBA : En conclusion, quel avenir voyez-vous pour la construction hors-site en France ?

Pascal Chazal : La construction hors-site est la révolution tant attendue par le monde de l’immobilier. Les technologies existent, et il nous suffit de changer un peu nos habitudes pour améliorer nos chantiers, créer des emplois industriels et participer à la réindustrialisation de la France. C’est une opportunité que nous ne pouvons pas nous permettre de manquer.

 

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