En regardant les tendances des années précédentes, on comprend mieux le monde de 2021 et comment la société a accepté ou rejeter certaines technologies. En 2015, l’édition du CES Las Vegas montrait une bataille des protocoles et l’émergence des assistants vocaux. On sait maintenant la place qu’ils ont pris.

 

Les objets connectés font leur show

zdnet-ces-2015-lowes-smart-homeOn l’avait vu venir en 2014, 2015 l’a clairement confirmé. Les CES Las Vegas devient LE salon des objets connectés. C’est le secteur qui progresse le plus, que ce soit en surface de stands, en nombre d’exposants, en quantité de startups et d’innovations et en nombre de communiqués de presse. Pour la première fois, les organisateurs du CES avait dédié un Hall à la domotique, le Smart Home Marketplace avec la présence de spécialistes comme ADT Security Seervices, Archos, Bosch, Honeywell, Lowe’s, Lutron… On peut imaginer que cette tendance se confirme dans les prochaines années puisque tout devient connecté et que les géants de l’électronique grand public y voit un levier de croissance majeur. Par exemple, Samsung a annoncé qu’en 2020, 100% de ses produits seront connectés (1). La domotique ne constitue évidemment qu’un sous-ensemble de l’Internet des objets mais elle sera d’autant plus incontournable que les objets connectés se multiplieront dans nos maisons. Elle bénéficie aujourd’hui d’une exposition médiatique extrêmement large et d’une image beaucoup plus positive que par le passé (2). Profitons-en !

L’Internet of ME : quels bénéfices pour MOI ?

iot vegasLe CES reflète les évolutions du marché de l’électronique grand-public. La bonne nouvelle de l’édition 2015, c’est que le Smart Home commence à occuper le terrain, la mauvaise nouvelle c’est que le message porté par les acteurs de la domotique n’est pas vraiment convaincant. Quand on visite les halls dédiés au son, à l’image, aux drones, aux imprimantes 3D ou aux voitures connectées, on rentre instantanément dans les démonstrations et on a qu’une seule envie c’est de consommer et d’acheter ces objets. Le hall Smart Home ou les stands de startups ou des spécialistes des objets connectés donnent encore trop cette impression de gadgets et de cacophonie technologique car de nombreux fabricants utilisent avant tout le CES pour tester des idées et observer les réactions des visiteurs. Cette année par exemple, plus aucune trace des Google Glass, star en 2014, devenues complètement ringardes. Au fond, qu’est-ce que tout cela peut changer à nos vies, quels bénéfices pourra-t-on en tirer au quotidien, en quoi cela simplifiera ou améliorera notre existence, quelle promesse dans notre vie de tous les jours ? Peu de réponses finalement. Le CES 2015 a mis les objets sur la table, a mis les briques à la disposition de tous, charge aux opérateurs, aux assureurs, aux géants de l’industrie high-tech ou à de nouveaux venus d’en faire des offres lisibles et alléchantes pour le grand public.

A votre service !

Habitat connectéParmi tous les chiffres qui circulent en ce moment, l’étude de Gartner est peut-être la plus marquante. Elle prévoit qu’un foyer typique en 2022 possédera au moins 500 équipements connectés (3). Cela peut paraître délirant mais pourquoi pas puisque tout devient communicant : ampoules, vêtements, électro-ménager, audiovisuel, sport, voiture, santé… ? Si l’on considère que d’ici là on aura bien trouvé une plateforme de convergence technologique sécurisée, il ne reste plus qu’à imaginer les usages, les modèles économiques et la logique ergonomique de l’ensemble. Comment faire que ces objets « potentiellement connectables » soit réellement connectés et utiles pour le plus grand nombre ? Comment imaginer que tout à chacun pourra s’y retrouver facilement, exploitera réellement les fonctions de connectivité et utilisera ces équipements dans les meilleurs conditions ? Comme pour l’informatique il y a 25 ans, un challenge majeur se profile : avant que tous ces objets soient réellement autonomes, dotés de fonctions d’intelligence artificielle et plug and play, il faudra accompagner la plupart des utilisateurs sinon la domotique restera un fantasme déceptif et un gadget de passionnés. De nombreux exposants sur le CES semblaient convaincus que leur produit allait se vendre tout seul sur les étagères des grandes surfaces. Certains au contraire, plus mûrs ou plus visionnaires, ont déjà compris que la domotique sans service n’avait aucun avenir à court terme. Ainsi, Google ne vend son thermostat qu’avec une prestation d’installation et de configuration, ADT et l’opérateur AT&T (le Orange américain) distribuent leurs offres domotiques aux USA à travers un réseau de professionnels ou Myfox propose une offre Pro pour les projets ambitieux.

service domotiqueUn objet connecté isolé n’a évidemment aucun intérêt, c’est sa mise en relation avec son environnement, son interface utilisateur, son intégration sur mesure avec les autres équipements et l’analyse des données générées qui créera réellement de la valeur. D’ailleurs, bravo à la Poste pour sa vision et ses propositions dans ce domaine, l’intervention humaine et les services à la personne resteront encore longtemps incontournables dans le logement connecté !

 La French Touch : le bilan

Le grand vainqueur du CES 2015 sera la France“ ! Jason O. Gilbert, journaliste pour Yahoo Tech, n’a pas mâché ses mots pour décrire la forte impression laissée par la délégation française dans les allées du salon.

Macron Withings Activite PopAvec 120 entreprises dont 66 start-up réunies sous la bannière de la French Tech, la France constituait la cinquième délégation mondiale et la première européenne. Dix start-up ont gagné 14 Innovation Awards, l’une d’entre elles décrochant même le Best of CES (4)! Même si les retombées médiatiques ont été en grande partie occultées par les événements tragiques qui ont eu lieu simultanément à Paris, les entreprises françaises ont été très présentes sur cette édition 2015, notamment dans le domaine des objets connectés. Les entreprises spécialisées comme Myfox, Archos, Awox, Withings, Netatmo ou Parrot, les start-up comme ID-RF, Sen.se ou Ubiant, les grands groupes comme la Poste et les politiques comme Emmanuel Macron ou Axelle Lemaire ont donné une très bonne image de l’Hexagone (5). Tout est réuni pour mettre en place une filière d’excellence et permettre à notre pays d’exister dans ce secteur voire de le dominer si on continue sur cette dynamique. L’annonce officielle du lancement de la cité des objets connectés d’Angers en est un bon exemple. Il faut aller vite, être très dynamique, travailler collectivement et faire preuve de créativité pour conserver notre avance. Comme dans l’aéronautique, il faudra probablement se rapprocher de nos voisins européens pour constituer un pôle d’expertise mondial, imposer notre vision et continuer d’exister face aux mastodontes asiatiques et américains.

On pensait en avoir terminé avec ce serpent de mer mais il faut bien avouer que la bataille des standards continue de faire rage et les premières heures du CES Las Vegas nous en apprennent beaucoup sur le rapport de force entre les différents prétendants. Même si on peut aujourd’hui, d’une façon ou d’une autre, faire dialoguer pratiquement tous les produits entre eux, les entreprises qui survivront sur le marché de l’habitat connecté seront celles qui feront les bons choix technologiques.

Verra t-on émerger le protocole universel de l’Internet des Objets au CES 2015?

Autant vous le dire tout de suite, ce n’est pas sur cette édition 2015 que l’on pourra avoir des certitudes mais les choses sont sérieusement en train de se décanter. Tant que la domotique était un marché de niche, tous les industriels pouvaient bidouiller dans leur coin sans grande conséquence. A coup de passerelles, de box multi-protocoles et de développement sur mesure, on arrivait toujours à satisfaire sur le court terme les utilisateurs plus ou moins avertis. Mais au CES 2015, on ne parle plus de simples utilisateurs mais de consommateurs, nuance de taille. On ne parle plus de niche mais de marché grand public. On ne parle (presque) plus d’acteurs historiques spécialisés mais de multinationales hyper-puissantes qui en plus chassent en meute au sein d’alliances industrielles, peuvent se payer une startup en quelques jours et dispose de moyens R&D et marketing colossaux. On ne parle plus de bricolage mais de production en masse de produits de grande consommation qui ne trouveront leur public que s’ils sont pérennes et vendables à grande échelle. D’ailleurs, on ne parle plus vraiment de protocoles domotiques, mais du langage universel qui supportera le développement de l’Internet des Objets, comme le HTML a su si bien le faire pour le Web. Pour FX Jeuland, le Président de la Fédération Française de Domotique, « voici les critères qui rentrent en ligne de compte dans le choix du protocole de rêve de l’habitat connecté (on est en période de vœux, non ?) »:

• basé sur IP
• facile à installer et à configurer (Plug&Play)
• sécurisé
• fiable
• basse consommation voire autonome
• couverture satisfaisante
• interopérable
• éprouvé

Les forces en présence

Bien entendu, si ce protocole existait, cela se saurait et on tiendrait déjà la star du salon mais certains exposants s’en rapprochent très sérieusement. Ne soyez pas surpris, ici, on ne parle pas du tout de myHome (Legrand apparait néanmoins sur le stand de la ZigBee Alliance, sur la maison connectée de Qulacomm et est membre de la Allseen Alliance), d’IO Homecontrol (quelques solutions annoncent juste une compatibilité avec les produits Somfy) ou de KNX, qui semble « condamné » à moyen terme à se battre avec LON et Bacnet sur le marché du tertiaire. Même s’ils ne sont pas tous comparables les uns avec les autres, voici, par ordre alphabétique, une petite revue des technologies et des alliances représentées à Las Vegas :

AllSeen Alliance fait la promotion de AllJoyn, un environnement logiciel open-source soutenu par des géants comme Haier, LG Electronics, Microsoft Panasonic, Qualcomm, Sharp, Sony, Technicolor, TP – Link, Cisco, ADT Security Services, Insteon, La Fondation Linux, Legrand, Netgear. Microsoft a annoncé que AllJoyn sera intégré dans Windows 10 et l’Alliance a présenté hier la concrétisation de ses développements par la mise à disposition de son Gateway agent.

alljoyn-gateway-agent

BLEBluetooth Low Energy (BLE) est une technique de transmission radio conçue par Nokia sous forme d’un standard ouvert basé sur Bluetooth qu’il complète (sans la remplacer). Le BLE est principalement destiné aux objets connectés pour lesquels le besoin en débit est faible et l’autonomie cruciale (BLE consomme 10 fois moins d’énergie que le Bluetooth) ainsi qu’aux équipements nomades tels que les smartphones, les tablettes, les montres, etc. La portée se compte en quelques dizaines de mètres. Concurrent du NFC pour le paiement en ligne, il dispose de nombreux atouts pour l’habitat connecté. De nombreux industriels s’y intéresse de très près comme Apple avec ses applications iBeacon et surtout, la technologie est embarquée, de base, dans tous les smartphone…

EnoceanEnOcean : l’alliance EnOcean, bien connue en Europe, est présent pour la deuxième année consécutive à Las Vegas, où elle présente des capteurs et des actionneurs sans-fil sans pile (energy harvesting). Après avoir complété ses fréquences radio pour mieux répondre aux contraintes du marché US, elle semble prête à prendre son envol grâce à une technologie reconnue et à un écosystème très dynamique.

homekit eve elgatoHomekit : La firme à la pomme a lancé en juin 2014 sa plate-forme en ligne Home Kit sur iOS 8 destinée à centraliser les commandes des objets intelligents présents dans la maison connectée. Fidèle à sa stratégie (sans commentaire), Apple n’a pas de stands à part entière au CES mais est évidemment présent au travers de ses accessoires… De nouveaux périphériques Homekit ont été annoncés à l’occasion du CES, qui rejoignent les nouveautés d’iDevices (prise de courant), Elgato (contact de porte et prise) ou Schlage (verrou connecté). Withings, Netatmo, iHome, Haier ou Philips par exemples ont signé avec Cupertino pour ce protocole de réseau commun offrant un jumelage sécurisé.

OIC (Open Interconnect Consortium) : Broadcom, Dell, Samsung, Atmel et Intel ont annoncé l’été dernier la création d’OIC. Le consortium compte aujourd’hui 45 membres avec Hewlett-Packard et Lenovo par exemple et se présente clairement comme un concurrent à l’alliance Allseen. Très peu visible sur le CES, c’est surtout Samsung qui fait le buzz avec la présentation de la solution Smarthings que le fabricant coréen a rachetée il y a quelques mois.

OIC

Alliance UleAlliance ULE : basé sur le standard mondial pour la communication des téléphones sans fil DECT (Digital Enhanced Cordless Telecommunications), l’alliance ULE (Ultra Low Energy) propose des applications domotique et de sécurité déjà vendues en grande surface en France. L’Alliance ULE Alliance compte 60 membres dont le DECT Forum, Gigaset, Deutsche Telekom ou Panasonic.

Thread : il s’agit d’un nouveau protocole sans-fil basse consommation conçu par un consortium constitué par ARM, Nest, Silicon Labs, Freescale, Samsung, Yale Lock, Big Ass Fans et piloté par Google pour permettre l’arrivée de l’IoT dans l’habitat. Cette initative présente l’énorme avantage d’avoir été imaginée à partir d’une page blanche. Thread étant basé sur les standards IEEE 802.15.4 réseau maillé sans-fil (MAC / PHY comme ZigBee) et 6LoWPAN (IPv6 sur réseau contraint), la certification des premiers produits devrait être relativement rapide avec notamment le programme “Work With Nest”. On peut imaginer que Thread pourrait apporter à la domotique ce que le Wi-Fi a apporté à nos maisons pour l’accès Internet.

Thread

zwaveAlliance Z-Wave : il s’agit cette année encore d’un des stands domotiques les plus visités du CES. Z-Wave constitue un éco-système très riche mais véritablement contrôlé que par une seule entreprise. Même si les produits Z-Wave posent encore des problèmes de sécurité et d’autonomie, ils ont l’immense mérite d’exister et d’être abordable. Souvent considéré comme le protocole du Do-It-Yourself, il est de plus en plus plébiscité dans le monde du maintien à domicile (voir News Autonomic) et des solutions d’opérateurs comme Homelive, récemment lancée par Orange en France.

ZigbeeConsortium Zigbee : longtemps considéré comme le protocole de référence, Zigbee est malheureusement devenu une usine à gaz au fil des ans et des efforts de certification et de perfection (louables mais vains ?). Quand le consortium aura compris que Zigbee ne sera jamais le protocole idéal pour tous les fabricants et toutes les applications, il pourra enfin se focaliser sur ses forces et simplifiera son message marketing. Le stand de la Zigbee Alliance regroupe des démonstrations de solutions proposées par Texas Instrument, Legrand ou Osram par exemple.

IoT-Blog-ChartCette liste n’est pas exhaustive et les prochains jours sur le CES permettront de la compléter et de se faire une idée plus précise des forces en présence mais d’ores et on peut déjà imaginer l’issue de la bataille comme le confirme David Menga, chercheur chez EDF R&D et habitué du CES, « cela se jouera probablement à terme entre les solutions basées sur Thread de Google/Nest et celles utilisant la technologie Bluetooth Low Energy sans oublier l’écosystème Homekit d’Apple qui saura probablement reproduire dans l’univers de la domotique son approche sécurisée, ergonomique (mais finalement très propriétaire) qui a fait ses preuves dans la téléphonie ».

Une bonne nouvelle pour l’avenir de la domotique ?

On ne s’empêchera pas de penser que ces batailles d’égo risquent à nouveau de compromettre la spirale positive dans laquelle se trouve la domotique depuis quelques mois et, pour reprendre l’analogie avec le Web, on aimerait tellement qu’une organisation internationale indépendante (comme le CERN à l’époque) prennent sérieusement les choses en main, que ce soit au niveau de la technologie ou de l’utilisation des données qui en découlera.

Références

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