En pleine crise énergétique, l’appel à la sobriété du gouvernement a été écouté par les Français, qui ont économisé 9 % d’énergie dans les bâtiments cet hiver. Mais la bataille n’est pas encore gagnée et il faut maintenir les efforts dès cet été. La dernière matinale organisée conjointement par la SBA, IGNES et la FFIE s’intéressait justement à ce défi de la sobriété d’été dans les logements. Un événement animé par Anne-Sophie Perrissin-Fabert, Déléguée générale d’IGNES, et François-Xavier Jeuland, Vice-président Smart Home de la SBA, où les intervenants ont apporté de nombreuses informations probantes issues d’études, avec Julien Parc et Tom Sarrebourse, respectivement Responsable d’études prospectives et Ingénieur Environnement & Climat chez Pouget Consultants, mais aussi des solutions et des conseils avec Patrice Normand, Dirigeant de NRGYS, Alexis Damia, Responsable Affaires publiques chez Somfy, et Paul Raimbault, Gérant de CEBAT2.
Cette seconde matinale de l’année a démarré avec les enseignements tirés des efforts d’économies d’énergies que chacun a dû réaliser cet hiver. « Nous avons tous été sensibilisés sur la nécessité de réduire et reporter nos consommations d’électricité, avec le plan sobriété du gouvernement, sa campagne « Je baisse, j’éteins, je décale » et la mobilisation autour du signal ÉcoWatt, rapporte Anne-Sophie Perrissin-Fabert. Le premier réflexe, cet hiver, a été de réguler le chauffage. Cela s’est traduit dans les chiffres de vente de solutions de pilotage dans le résidentiel et le petit tertiaire, avec une hausse de 15 % en 2022 par rapport à 2021. » La tendance a également été observée sur les ventes de solutions connectées : fin 2022, un thermostat sur deux vendu était connecté. C’était seulement un sur trois en début d’année. Et cela devrait se poursuivre, sachant que les tiers de confiance “Accompagnateur Rénov” doivent sensibiliser les particuliers à la bonne utilisation des solutions de pilotage et aux écogestes. Le nouveau carnet d’information du logement (CIL) doit quant à lui répertorier les systèmes de pilotage du chauffage, de la climatisation et de l’eau chaude sanitaire.
Le confort d’été selon les scénarios climatiques
La matinale s’est poursuivie avec la présentation d’une étude sur les enjeux du confort d’été dans les logements au regard de scénarios climatiques, réalisée très récemment pour IGNES. La société Pouget Consultants a en effet croisé les données climatiques futures avec un modèle de parc de logements, dans l’objectif d’estimer l’exposition des bâtiments résidentiels au risque de surchauffe et à l’effet des îlots de chaleur urbains. L’étude prend en compte quatre indicateurs : le nombre de jours où la température dépasse 25 °C, le nombre de jours où la température dépasse 35 °C, le nombre de nuits tropicales où la température ne descend pas en dessous de 20 °C et le nombre de vagues de chaleur de plus de 5 jours. « Le croisement des données permet d’aboutir à des cartographies de parc de logements selon les risques de surchauffe, décrivent Julien Parc et Tom Sarrebourse. À des horizons temporels proches (2020, 2030, 2040 et 2050), on constate dans tous les cas des évolutions de hausse de températures dans les projections climatiques, et d’exposition du parc résidentiel aux fortes chaleurs. Les régions à l’ouest de la France seront plus épargnées que l’est, très touché. Cela aura un impact sur notre santé si nous ne faisons rien. »
Adapter les solutions de confort au juste besoin des logements
Ce qui est nouveau aujourd’hui, c’est que les systèmes qui permettent d’améliorer le confort dans l’habitat au quotidien sont pris en compte dans la RE2020 à travers trois indicateurs. Le premier, c’est le besoin bioclimatique ou Bbio, qui identifie le besoin de chaud ou de froid dans le bâtiment pour maintenir sa température en hiver comme en été. Le second, c’est le Cep – Coefficient d’Énergie Primaire – qui correspond à la consommation du logement ramené à sa surface habitable en mètre carré. Le dernier, le degré heure ou DH, est un nouveau critère qui détermine le nombre d’heures d’inconfort dans l’année. « Plus un logement est performant, plus la gestion des apports de chaleur a des incidences, autant en hiver qu’en été, précise Patrice Normand. Les volets roulants vont pouvoir jouer ce rôle et la RE2020 prend justement en compte l’automatisme de gestion des volets, qu’ils soient roulants électriques (VRE), avec horloge horaire (VREH) ou avec gestion crépusculaire (VREC). Il aura une influence positive sur le Bbio, le Cep et le DH, qui dépend de la zone climatique et qui sera d’autant plus importante dans les régions les plus chaudes. Une bonne raison pour justifier l’installation systématique de volets roulants électriques ! » D’autres solutions connectées sont également considérées par la RE2020, comme la ventilation naturelle avec des ouvrants en partie basse et en partie haute, une fenêtre de toit ou un logement traversant, pour obtenir un tirage thermique. La conception des nouveaux bâtiments est donc essentielle !
Optimiser le confort d’été en maîtrisant la facture énergétique
« L’erreur, actuellement, est de penser que la seule alternative au confort d’été est la climatisation, regrette Alexis Damia. Le taux d’équipement en climatiseurs dans le résidentiel est d’ailleurs passé de 14 % à 25 % en 4 ans et ces appareils sont pour un tiers mobiles, donc peu performants. » Quelle solution adopter alors, pour limiter au maximum l’utilisation de ces systèmes de climatisations énergivores ? Pour Alexis Damia, les protections solaires automatisées permettent de bloquer le rayonnement solaire et diminuer la température intérieure entre 4 °C et 7 °C, ou les brasseurs d’air pilotés sont capables de réduire la température ressentie de 3 °C. De quoi permettre aux occupants de réaliser des écogestes sans même y penser ! « Des collectivités ont déjà pris la mesure de la situation à venir, poursuit-il, et le rapport “Paris à 50 °C” présenté en avril au Conseil de Paris évoque désormais l’habitabilité d’été. C’est un terme plus fort et plus juste que le confort d’été. » Pour agir plus vite, il faudrait que certaines réglementations changent. Certes, la RE2020 prend en compte le confort d’été et les enjeux carbone pour les bâtiments neufs, mais 80 % des bâtiments qui existeront en 2050 sont déjà construits. Or, l’habitabilité et la sobriété d’été ne sont pas traitées dans la réglementation des bâtiments existants. « Plusieurs pistes sont envisageables, comme l’introduction d’un critère de température intérieure à partir de laquelle un logement n’est plus considéré comme décent, comme c’est le cas en hiver, ou l’intégration d’une brique sobriété d’été dans la réglementation… Le label BBC effinergie rénovation prévoit par exemple l’obligation de mise en place de protections solaires extérieures. » Les gains sont loin d’être négligeables : la ville de Poissy a par exemple installé 616 stores motorisés dans ses 13 écoles, obtenant une diminution de 5 °C. Sans cela, la ville aurait dû mettre des climatiseurs dans ces écoles, ce qui aurait coûté 301 000 kWh d’électricité par an et 90 000 euros !
Intégrer le numérique pour le confort d’été
Dernière intervention de la matinale, celle de Paul Raimbault, qui est intégrateur. « Malgré les atouts des solutions connectées pour la sobriété d’été qui viennent d’être décrits, ce n’est pas toujours évident de convaincre les acteurs du logement de s’équiper. Mais la situation change, avec la flambée de la facture énergétique et la prise de conscience environnementale. Nous avons aussi un rôle à jouer en sensibilisant et accompagnant les usagers pour qu’ils adoptent des éco-comportements. L’humain est au cœur du changement. » Il convient en effet de proposer aux habitants des solutions faciles à expliquer, simples à piloter, performantes et évolutives, qu’ils auront plaisir à utiliser et qui sont abordables en termes de coût.
François-Xavier Jeuland conclut la matinale, en insistant à nouveau sur l’importance de la gestion intelligente des occultants, mentionnée par chaque participant.
« Nous avons gagné la bataille de l’hiver 2022 en matière de sobriété. Reste à faire aussi bien cet été et les prochaines années. Espérons que les promoteurs généralisent les volets roulants électriques dans leurs bâtiments et les logements traversants par exemple. C’est une question de bon sens. On ne met pas du numérique pour se faire plaisir mais bien pour répondre aux besoins, qui évoluent face au changement climatique. Sinon, un grand nombre de logements vont devenir inhabitables l’été. Il y a énormément de choses à faire dans la sensibilisation des particuliers et des professionnels pour démontrer que le numérique peut être accessible, vertueux et indispensable pour relever les défis environnementaux. Dès à présent, il faut anticiper les transformations dans le bâtiment. La démarche R2S peut nous y aider, pour intégrer pas à pas le numérique dans le bâtiment et, surtout, pour le faire de façon raisonnée. »
Le cycle des Matinales organisées par la SBA et IGNES se poursuit !
Rendez-vous est pris le 12 octobre 2023 pour de nouveaux échanges sur les enjeux du logement.
Pour aller plus loin…
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