Le dispositif Éco-Énergie Tertiaire (DEET) constitue une avancée majeure dans la déclinaison opérationnelle de la loi pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN). Introduit par le décret du 23 juillet 2019 et ses arrêtés d’application, il a réellement été appliqué le 31 décembre 2022, lorsque les déclarations de consommation de tous les bâtiments de plus de 1 000 m² abritant une activité tertiaire publique ou privée, sont devenues obligatoires. Néanmoins, les acteurs concernés ne se sont pas encore tous saisis du sujet. L’occasion pour la plateforme d’information Construction21 de diffuser les bonnes pratiques du bâtiment durable en proposant un dossier complet sur le thème du DEET. À la clé ? Tous les éclairages nécessaires à une meilleure compréhension de ce dispositif. L’enjeu est de taille : converger ensemble vers la neutralité carbone à l’horizon 2050 fixé par la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC).


De la pédagogie à suivre aux retours d’expérience, en passant par la nécessaire implication de tous les acteurs du bâtiment, le dossier sur le DEET piloté par Justine Bain-Thouverez, avocate associée chez LLC & Associés, Benjamin Choulet, chef de projet “Patrimoine et Bâtiments Numériques”, département Bâtiments Durables, au Cerema Territoires et Villes, et Jean-Benoît Lafond, Consultant Transformation de Marché – Énergie & Performance d’usage à l’IFPEB, a rassemblé les contributions d’une vingtaine d’experts et de professionnels, dont certains membres de la SBA, à l’instar d’Olivier Ortega, Avocat associé chez LexCity, et Président de la commission “Cadre Juridique” de la SBA.

Mieux comprendre le DEET

Dans le principe, le dispositif Éco-Énergie Tertiaire exige des gestionnaires de bâtiments tertiaires publics (mairies, équipements sportifs ou culturels…) et privés (entreprises, commerces, hôtellerie…)  “assujettis” de réduire les consommations énergétiques de 40% d’ici 2030, de 50% d’ici 2040 et de 60% d’ici 2050, par rapport à une année de référence comprise en 2010 et 2019. Ils peuvent aussi adopter des objectifs exprimés en valeur absolue correspondant à une cible de consommation en énergie finale fixée pour chaque décennie en fonction des meilleures techniques disponibles. À titre d’exemple, CegiBat détaille le contenu possible d’un dossier technique à déposer pour moduler ses objectifs. Reste à déterminer qui sont ces assujettis. Pour le savoir, le ministère de la Transition énergétique a publié une infographie simplifiée – un logigramme – pour identifier si le bâtiment est vraiment assujetti au DEET. Dans l’affirmative, on regarde ensuite les “entités fonctionnelles assujetties”, et c’est à cette échelle que la déclaration est réalisée sur la plateforme de recueil et de suivi des consommations d’énergie du secteur tertiaire OPERAT de l’ADEME.

 

La bonne connaissance de son parc et de ses consommations avant tout

Cela semble aller de soi, mais il est primordial pour les propriétaires « de connaître ses bâtiments, leurs caractéristiques techniques et notamment leurs consommations énergétiques afin de définir les objectifs à atteindre. C’est ce qui va guider l’élaboration d’un plan d’action sur le long terme, car Éco-Énergie Tertiaire n’est pas un sprint mais une course de fond mobilisant des outils et des financements » soulignent les trois pilotes du dossier dans leur éditorial. Même démarche pour les locataires, qui doivent connaître l’actif abritant son exploitation, puisque propriétaires et locataires sont solidairement responsables. Ils vont ainsi déclarer conjointement et suivre la consommation d’énergie de leur bâtiment sur la plateforme OPERAT (Observatoire de la Performance Énergétique de la Rénovation et des Actions du secteur Tertiaire). Cette déclaration, au 30 septembre de chaque année au plus tard, peut être effectuée en ligne ou par import de fichiers, et tend, à terme, à devenir une simple formalité. OPERAT se charge d’ajuster automatiquement les consommations d’énergie déclarées en fonction des conditions climatiques et de l’évolution de l’activité dans le bâtiment. L’occupant peut ainsi se concentrer uniquement sur la démarche de réduction de la consommation d’énergie qui se traduit par l’élaboration d’une stratégie à l’échelle du parc immobilier sur le long terme, à dérouler étape par étape, autour de quatre axes : adaptation des bâtiments aux usages et écoresponsabilité, optimisation de l’exploitation-maintenance, installation d’équipements performants et travaux sur l’enveloppe.

 

Passer à l’action : financements et retours d’expériences

Mais pour passer à l’action, l’investissement constitue le nerf de la guerre. Les besoins sont énormes : 3 milliards d’euros par an rien que pour les collectivités. Les modes de financement sont nombreux, sous forme de subventions, de prêts, de certificats d’économie d’énergie (CEE), d’avances remboursables à la Banques des Territoires (intracting)… Mais ils sont utilisés inégalement. Le dispositif des CEE, par exemple, reste sous utilisé parce qu’il est mal connu et qu’il demande du temps pour en bénéficier. 

Néanmoins, des organisations sont déjà passées à l’action. Prenons l’exemple de la Poste Immobilier, qui depuis 10 ans agit pour optimiser la performance énergétique de son parc. Une mise en œuvre complexe, tant les actifs sont variés, des bâtiments logistiques aux immeubles tertiaires. En tout, un millier de sites assujettis à l’application du DEET ! Dans ce contexte, pour relever le challenge, la Poste Immobilier a mis en place en 2019 un plan d’action d’envergure, avec un pilotage central, une organisation et un phasage précis, et une mobilisation des équipes sur les territoires. Chez Crisco, autre retour d’expérience, qui valorise notamment l’intérêt de la parfaite connaissance de son patrimoine, de la sensibilisation des occupants et des outils numériques pour consommer moins et mieux, en fonction de l’occupation des bâtiments, de l’état du réseau…

 

Tout le monde est concerné

La réduction des consommations d’énergie passe enfin par la mobilisation de tous les acteurs, bailleurs, preneurs, ingénierie, collectivités territoriales… En particulier, l’implication conjointe des propriétaires et des preneurs à bail conditionne la réussite de la rénovation énergétique du secteur tertiaire. Deux types d’actions sur le bâtiment sont en effet à distinguer : les actions pour l’usage, qui dépendent de l’activité du preneur à bail, et les actions sur le bâti, sous la responsabilité du propriétaire, qui sont complémentaires pour une efficacité énergétique plus performante.

Les territoires ont également leur rôle à jouer. Dans cette perspective, le Cerema et l’IFPEB, en partenariat avec la DGALN, ont mis en place un réseau des  “relais du DEET”, qui se fonde sur les écosystèmes locaux déjà en place. Pour mieux s’approprier le dispositif et diffuser les informations, il s’agit en effet de s’appuyer sur les structures en place de l’Etat en région, la FNCCR ou l’ADEME. Les acteurs des bâtiments tertiaires auront ainsi accès à des interlocuteurs de confiance pour les accompagner en toute neutralité et indépendance. Déjà, une dynamique de groupe a été mise en place, sur l’espace collaboratif dédié sur la plateforme Expertises.Territoires animé par le Cerema et l’IFPEB et qui héberge en plus une communauté d’échanges autour du DEET.

 

Un mot d’ordre : consommer moins et consommer mieux

L’ambition du DEET est ainsi parfaitement en phase avec le plan de sobriété énergétique de l’État, afin d’assurer l’indépendance énergétique de la France dans le contexte international où l’approvisionnement en énergie est précaire. Au-delà du décret, l’objectif est donc de consommer moins et mieux dans les bâtiments, en invitant toutes les parties prenantes à réfléchir aux stratégies et aux actions concrètes permettant de réduire la consommation énergétique de leur parc immobilier. Dans cette perspective, le DEET ne doit donc pas être considéré comme une contrainte supplémentaire, mais bien comme un outil et un levier puissant sur la voie de la rénovation des bâtiments. Comme le répètent les contributeurs du dossier de Construction21, il incite en effet à mieux connaître l’état de son patrimoine et ses besoins d’évolution, à bâtir des plans d’action pluriannuels reposant sur une stratégie à long terme, et à mobiliser des aides techniques et financières pour soutenir la mise en action des réductions des consommations d’énergie. Des messages que porte aussi Philippe Pelletier, dont la tribune conclut ce dossier particulièrement instructif.

 

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